Lyrics of
Le Grand Pan

Du temps que régnait le grand Pan,
Un tas de génies titubant,
Au nez rouge, à la rouge trogne.
Dès qu'un homm' vidait les cruchons,
Qu'un sac à vin faisait carousse,
Ils venaient en bande, à ses trousses,
Compter les bouchons.
La plus humble piquette était alors bénie,
Distillée par Noé, Silène et compagnie,
Le vin donnait un lustre au pire des minus
Et le moindre pochard avait tout de Bacchus.
Mais, se touchant le crâne en criant : "J'ai trouvé !"
La bande au professeur Nimbus est arrivée,
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les dieux du firmament.
Aujourd'hui, çà et là, les gens boivent encor
Et le feu du nectar fait toujours luir' les trognes,
Bacchus est alcoolique et le grand Pan est mort.
Quand deux imbéciles heureux
S'amusaient à des bagatelles
Un tas de géni's amoureux
Venaient leur tenir la chandelle.
Du fin fond des Champs-Elysées,
Dès qu'ils entendaient un "Je t'aime",
Ils accouraient à l'instant même
Compter les baisers.
La plus humble amourette était alors bénie,
Sacrée par Aphrodite, Eros et compagnie.
L'amour donnait un lustre au pire des minus
Mais, se touchant le crâne en criant : "J'ai trouvé !"
La bande au professeur Nimbus est arrivée,
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les dieux du firmament.
Aujourd'hui, çà et là, les c?urs battent encor
Et la règle du jeu de l'amour est la même,
Vénus s'est faite femme et le grand Pan est mort.
Et quand, fatale, sonnait l'heur'
De prendre un linceul pour costume,
Un tas de géni's, l??il en pleurs,
Vous rendaient les honneurs posthumes.
Pour aller au céleste empire
Dans leur barque ils venaient vous prendre,
C'était presque un plaisir de rendre
Le dernier soupir.
La plus humble dépouille était alors bénie,
Embarquée par Caron, Pluton et compagnie.
Au pire des minus l'âme était accordée
Et le moindre mortel avait l'éter--ni---té.
Mais, se touchant le crâne en criant : "J'ai trouvé !"
La bande au professeur Nimbus est arrivée,
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les dieux du firmament.
Aujourd'hui, çà et là, les gens passent encor,
Mais la tombe est, hélas, la dernière demeure,
La mort est naturelle et le grand Pan est mort.
Et l'un des derniers dieux, l'un des derniers suprêmes,
Ne doit plus se sentir tellement bien lui-même.
Un beau jour on va voir le Christ
"Merde ! Je ne joue plus pour tous ces pauvres types !"
J'ai bien peur que la fin du monde soit bien triste.