A mon dernier repas, je veux voir mes frères,
Et mes chiens et mes chats, et le bord de la mer
A mon dernier repas, je veux voir mes voisins
Et puis quelques chinois en guise de cousins
Et je veux qu'on y boive en plus du vin de messe,
De ce vin si joli qu'on buvait en Arbois,
Je veux qu'on y dévore, après quelques soutanes,
Une poule faisane venue du Périgord.
Puis je veux qu'on m'emmène en haut de ma colline,
Voir les arbres dormir en refermant leurs bras.
Et puis je veux encore lancer des pierres au ciel,
En criant Dieu est mort, une dernière fois.
Verse
A mon dernier repas, je veux voir mon âne,
Mes poules et mes oies, mes vaches et mes femmes.
A mon dernier repas, je veux voir ces drôlesses
Dont je fut maître et roi, qui furent mes maîtresses
Quand j'aurai dans la pense, de quoi noyer la terre
Je briserai mon verre, pour faire le silence.
Et chanterai à tue-tête à la mort qui s'avance,
Les paillardes romances qui font peur aux nonettes.
Puis je veux qu'on m'emmène en haut de ma colline,
Voir le soir qui chemine lentement vers la plaine.
Et là, debout encore, j'insulterai les bourgeois
Sans crainte et sans remords, une dernière fois.
Verse
Après mon dernier repas, je veux que l'on s'en aille
Qu'on finisse ripaille, ailleurs que sous mon toit.
Après mon dernier repas, je veux que l'on m'installe
Assis seul, comme un roi accueillant ses vestales.
Dans ma pipe je brûlerai mes souvenirs d'enfance
Mes rêves inachevés, mes restes d'espérance.
Et je ne garderai pour habiller mon âme
Que l'idée d'un rosier, et qu'un prénom de femme.
Puis je regarderai le haut de ma colline
Qui danse, qui se devine, qui fini par sombrer.
Et dans l'odeur des fleurs qui bientôt s'éteindra,
Je sais que j'aurais peur une dernière fois.