Lyrics of
L Epave

J'en appelle à Bacchus ! A Bacchus j'en appelle !
Le tavernier du coin vient d' me la bailler belle,
De son établissement, j'étais l' meilleur pilier.
Quand j'eus bu tous mes sous, il me mit à la porte
En disant : "Les poivrots, le diable les emporte !"
Ça ne fait rien, il y a des bistrots bien singuliers
verse 2
Un certain va-nu-pieds qui passe et me trouve ivre
Mort, croyant tout de bon que j'ai cessé de vivre
(Vous auriez fait pareil), s'en prit à mes souliers.
Pauvre homme ! Vu l'était piteux de mes godasses
Je doute qu'il trouve avec son chemin de Damas-se
Ça ne fait rien, il y a des passants bien singuliers
verse 3
Un étudiant miteux s'en prit à ma liquette
Qui, à la faveur d' la nuit, lui avait paru coquette,
Mais en plein jour ses yeux ont dû se dessiller.
Je l' plains de tout mon c?ur, pauvre enfant, s'il l'a mise,
Vu que, d'un homme heureux, c'était loin d'être la chemise.
Ça ne fait rien, il y a des étudiants bien singuliers
verse 4
La femme d'un ouvrier s'en prit à ma culotte.
"Pas ça, Madame, pas ça, mille et un coup de bottes
Ont tant usé le fond que, si vous essayiez
D' la mettre à votre mari, bientôt, je vous en fiche
Mon billet, il aurait du verglas sur les miches."
Ça ne fait rien, il y a des ménages bien singuliers
Verse 5
Et j'étais là, tout nu, sur le bord du trottoir - e
Exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires.
Une petit' vertu, rentrant de travailler,
Elle qui, chaque soir, en voyait une douzaine,
Courut dire aux agents : "J'ai vu que'qu' chose d'obscène !"
Ça ne fait rien, il y a des tapins bien singuliers
Verse 6
Le représentant d' la loi vint, d'un pas débonnaire.
Sitôt qu'il m'aperçut il s'écria : "Tonnerre !
On est en plein hiver et si vous vous geliez !"
Et, de peur que je n'attrape une fluxion de poitrine,
Le bougre, il me couvrit avec se pèlerine.
Ça ne fait rien, il y a des flics bien singuliers
Verse 7
Et depuis ce jour-là, moi, le fier, le bravache,
Moi dont le cri de guerre fut toujours "Mort aux vaches !"
Plus une seule fois je n'ai pu le brailler.
J'essaye bien encore, mais ma langue honteuse
Retombe lourdement dans ma bouche pâteuse.
Ça ne fait rien, nous vivons un temps bien singulier